La mare aux canards

Le trouble persistant de Bayrou, la faute de frappe de Dati, Pécresse et Retailleau à confesse

- Indiscrétions
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Coordonnée par Bruno Dive et Charlotte Cieslinski

…mais aussi : l'Attal show, le cétacé Bardella au RN, la carte Gregoire pour Paris.

La mare aux Canards
Régime Sansal

Du Caire, le 7 avril, Emmanuel Macron s’est réjoui d’entendre son homologue algérien déclarer que « le rideau se [levait] », après la visite à Alger du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot : « C’est la mise en œuvre de ma conversation téléphonique avec le président Tebboune. »

Tebboune et Macron ne s’étaient plus parlé depuis juillet 2024, au moment de la reconnaissance par l’Elysée de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental. « Maintenant, a poursuivi Macron en petit comité, il faut reprendre les expulsions (des personnes sous OQTF), la coopération économique… Quant à la libération de Boualem Sansal, elle est essentielle et indispensable. »

« Le rideau se lève », donc. Sauf pour son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui aura été soigneusement écarté des discussions jusqu’au bout.

Retailleau et Pécresse à confesse

Alors qu’il a refusé de rompre le jeûne avec les musulmans à l’occasion de l’Aïd, Bruno Retailleau a participé à la grand-messe des chrétiens d’Orient, le 7 avril à Saint-Ouen, organisée par Valérie Pécresse dans l’hémicycle du conseil régional d’Ile-de-France. « La France doit être la voix des sans-voix », a psalmodié la présidente de région. Auparavant, les deux comparses s’étaient rendus à l’église maronite de Paris pour dire trois Pater et deux Ave.

Outre le Vendéen, qui fut, au Sénat, le président du groupe de liaison et de solidarité avec les chrétiens d’Orient, une ribambelle de monseigneurs participaient à ces bondieuseries. En particulier l’archevêque de Damas, Youhanna Jihad Battah, qui considère Bachar al-Assad comme une « victime » et nie l’existence de fosses communes creusées par le régime. Ou encore le primat du diocèse arménien de Damas, Armash Nalbandian, qui, lorsque le dictateur était au pouvoir, ne manquait pas une occasion de « prier Dieu pour protéger la Syrie, son peuple et son armée, et [de] bénir le Président ».

A quand une petite quête pour notre ministre de l’Intérieur ?

Le cétacé du RN

Après la peine d’inéligibilité immédiate à laquelle a été condamnée Marine Le Pen le 31 mars, le RN a bien tenté de rassembler large, dimanche 6 avril place Vauban, à Paris, pour protester « proprement » autour d’une belle photo de famille. Mais, derrière cette unité scénarisée, la lumière prise par Bardella hérisse dans les rangs lepénistes.

« Il pèse peut-être sur l’échelle de TikTok, mais, dans la vraie vie, c’est le néant moulé dans un costume trop ajusté ! bavait ainsi un député nordiste, content de son bon mot. Il le sait très bien : ce que Marine a fait (le promouvoir), elle peut le défaire. Au mieux, il finira comme Gollnisch, en gentil dauphin échoué. »

S’il ne se fait pas chaluter avant !

Make Bayrou great again

Les communicants de Matignon ne savent plus quoi inventer pour faire oublier le « trouble » de François Bayrou apprenant la peine d’inéligibilité qui a frappé Marine Le Pen. L’un d’eux, ces derniers jours, testait cette humble cascade auprès de quelques confrères : « C’est du pur Bayrou ! Trump et Bayrou sont arrivés en même temps. L’un polarise tout, monte les uns contre les autres et parle aux gens comme à des enfants. Bayrou, c’est l’inverse. » Sans convaincre.

Un autre membre de l’entourage du Béarnais avançait sa propre explication à cette « troublante » bourde : Eric Thiers, éminent juriste et conseiller spécial de Bayrou, accompagnait Manuel Valls en Nouvelle-Calédonie lorsque le jugement a été rendu. Il est manifestement rentré trop tard pour briefer Bayrou sur l’exécution provisoire…

Borne invisibilisée

A Saint-Denis, où se réunissait dimanche la Macronie, Elisabeth Borne a reçu un accueil glacial. L’avant-veille, elle s’était dite favorable à un rapprochement du parti avec le MoDem de François Bayrou. Dans son discours, Attal n’a donc pas mentionné sa prédécesseure à Matignon une seule fois. « [Il] s’est très mal comporté, a réagi l’intéressée auprès de quelques amis. Lui et ses troupes me font un mauvais procès, en disant que je joue contre l’intérêt du parti. Ce que je dis est simple : on ne gagnera pas en 2027 si on n’est pas unis avec le MoDem. »

A l’Elysée, on ne se montrait guère plus élogieux : « Attal s’est fait élire chef sur le thème “il faut dépersonnaliser le parti”, mais il fait tout l’inverse, » enfonçait mardi 8 avril au matin un intime du Président.

Riant avenir pour le socle commun !

Dati, faute de frappe

Rachida Dati a peut-être fait dérailler sa propre réforme de l’audiovisuel public, le 1er avril, en se déchaînant contre une administratrice du Palais-Bourbon. « Je vais la frapper ! » a menacé la ministre de la Culture, après avoir déposé en commission des Affaires culturelles un amendement jugé irrecevable par la fonctionnaire de l’Assemblée. « Son attitude n’est pas correcte », a jugé Yaël Braun-Pivet le 8 avril en conférence des présidents.

Depuis cette interruption de séance, qui a fait grand bruit, la proposition de loi sur l’audiovisuel prévoyant de rassembler France Télévisions, Radio France et l’INA en une seule société navigue en plein brouillard. Et même le Premier ministre rechigne désormais à lui retrouver un créneau dans l’agenda parlementaire. « C’était une réforme importante pour l’audiovisuel public, toussote-t-on à l’Elysée. Le Président la porte depuis le début, on se demande pourquoi Bayrou freine. »

Dati va le « frapper » aussi ?

Le cœur de Paris

Une autre réforme, examinée cette semaine à l’Assemblée, bénéficie en revanche de l’entière attention de François Bayrou. Il s’agit de la fameuse loi PLM, qui régit l’élection du maire à Paris, Lyon et Marseille, les trois villes françaises les plus importantes.

L’obstination du Premier ministre – toujours maire de Pau – à faire adopter cette réforme qui, a priori, ne le concerne pas ne cesse d’intriguer. A Paris, où la Macronie hésite encore à opter pour la candidature de Rachida Dati, plusieurs très proches du centriste espèrent récupérer un siège, voire une mairie d’arrondissement. A commencer par Séverine de Compreignac, aujourd’hui cheffe du pôle parlementaire à Matignon, comme l’a écrit « Le Canard ». Mais aussi d’autres bonnes amies, telles Béatrice Lecouturier, conseillère municipale du XVIe arrondissement, ou Maud Gatel, ex-bras droit de Marielle de Sarnez, pour qui Bayrou aimerait négocier une tête de liste d’arrondissement.

Grand seigneur, ce Béarnais !

Quintes de gaffes

Rachida Dati a peu goûté d’apprendre qu’Agnès Buzyn ne la soutiendrait pas à Paris aux prochaines municipales, « en raison des affaires pas anodines » qui la visent. Le Parquet national financier (PNF) l’a en effet renvoyée devant la justice pour corruption et trafic d’influence, aux côtés de l’ex-patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn. Elle a donc, comme à son habitude, sorti la sulfateuse : « Mme Buzyn a été mise en examen dans l’affaire du Covid, qui a été une gestion catastrophique. L’enquête l’a innocentée, il faut respecter l’Etat de droit. »

Réaction en cercle restreint de l’ex-ministre de la Santé : « Le Président va être ravi d’apprendre que sa ministre de la Culture considère que la gestion de la crise du Covid a été catastrophique. »

Les masques tombent !

La carte Grégoire

L’annonce de la réadhésion à LR de Dati a provoqué la convocation en urgence, le 2 avril, d’un comité politique de Renaissance Paris. Parmi eux, seul Sylvain Maillard milite toujours pour la candidature de Dati à la Mairie en 2026. Et, si Macron la pousse aussi, tout en considérant que Gabriel Attal devrait s’interroger sur la possibilité d’être candidat, un autre scénario est évoqué à Renaissance : pourquoi ne pas soutenir le socialiste Emmanuel Grégoire, au lieu de se ranger derrière une élue de droite ?

Lequel Grégoire aurait l’avantage, pour les têtes pensantes de Renaissance, d’être en rupture avec Hidalgo, qui a choisi de soutenir le sénateur de Paris Rémi Féraud à la primaire du PS, et d’avoir un socle électoral d’une vingtaine de points dans l’électorat parisien.

Qu’en pense l’intéressé ?

Corbière pas à la fête

Alexis Corbière a bien fait de venir manifester « pour la démocratie » à Paris, place de la République, le 6 avril. L’ex-porte-parole de LFI s’est fait conspuer par ses anciens camarades. Epaulés par une poignée de militants du Parti ouvrier indépendant, une centaine d’Insoumis l’ont qualifié bruyamment de « traître », allant jusqu’à couvrir ses propos par des « Mélenchon, Mélenchon ».

Le député de Seine-Saint-Denis, qui siège désormais sur les bancs écolos à l’Assemblée, avait eu l’outrecuidance d’appeler à la création d’un « front antifasciste à la hauteur de la menace » et à « une candidature commune » de la gauche pour la présidentielle. Une scène qu’a immortalisée le député LFI des Bouches-du-Rhône Sébastien Delogu, flanqué d’une pancarte disant : « Où êtes-vous ? Ruffin, Faure, Roussel, triptyque perdant. »

Le chef a dû adorer.

Au nom du pair

Seul député du RN à avoir pris part à la commission d’enquête relative aux violences dans la culture, qui doit rendre son rapport ce 9 avril, Emeric Salmon a approuvé toutes les propositions émises par le rapporteur, Erwan Balanant (Les Démocrates). Toutes sauf une : pas question pour Salmon de créer un « malus parité » qui sanctionnerait les structures ne respectant pas l’égalité hommes-femmes. Avec un argument imparable : « On ne va pas refaire l’histoire de Jésus et de ses apôtres avec six femmes et six hommes ! »

Bonjour le jugement de Salmon !

Ministres de compète

Entre Catherine Vautrin et Yannick Neuder, c’est l’amour vache. La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles et son ministre chargé de la Santé ne peuvent pas se piffer.

« Ils sont toujours en guerre, ils ne se soutiennent pas, c’est très tendu. C’est toujours à celui qui inaugurera un truc en premier », se marre un député. Une ex-ministre ajoute : « Ils passent leur temps à se tirer la bourre. La ministre de tutelle veut prendre la lumière sur les sujets de santé et lui griller la priorité, comme elle vient de le faire sur l’endométriose. » Le 27 mars, elle annonçait des mesures (« Sud Ouest ») concernant notamment les diagnostics précoces.

A leur arrivée au gouvernement, Vautrin a aussi piqué à Neuder le bureau qu’il avait initialement choisi. Les cheffes d’abord…

Gratin dauphinois au CHU

Farouche opposant à la proposition de loi visant à réguler l’installation des médecins votée le 2 avril, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, est allé se consoler deux jours plus tard sur ses terres, à Grenoble, où il a annoncé la contribution de 201 millions d’euros de l’Etat pour moderniser le CHU. C’était compter sans le maire écolo, Eric Piolle, qui ne s’est pas privé de lui rappeler que, désormais, c’était sur la santé et non sur la sécurité que les Grenoblois l’alertaient : il y a urgence car, dans deux ans, un Isérois sur cinq sera sans médecin traitant.

Mais les toubibs locaux y sont aussi allés de leur refrain, l’un d’eux déplorant : « Piolle a le diagnostic, mais il n’a pas de traitement, alors que d’autres municipalités aident les praticiens en matière d’immobilier ; ici, rien n’est fait. »

Y aurait pas comme une élection municipale à l’horizon ? Reste à savoir ce qu’en pense l’intéressé…

Copé collé

C’est un Laurent Wauquiez très énervé qu’ont retrouvé, le 2 avril au matin, ses pairs du comité stratégique des Républicains. Le candidat à la présidence du parti a commencé par mettre une nouvelle fois en cause le président de la haute autorité chargée de contrôler les parrainages, l’avocat Henri de Beauregard, « avec une violence qui nous a tous sidérés », raconte un participant.

Puis il s’est tourné vers Valérie Pécresse, qui soutient Bruno Retailleau. « Il faudra particulièrement surveiller ce qu’il se passe dans les Yvelines », lui a-t-il lancé. Réplique de Jean-François Copé : « En ce cas, il faudra aussi surveiller ce qu’il se passe en région Auvergne-Rhône-Alpes… »

La confiance règne.

Une du journal du 2025/01/29
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